- Lalo, que suppose pour toi cette date du 13 septembre 2024 ?
C’est un jour que j’ai attendu depuis tant d’années et qui arrive finalement si vite ! Je n’ai pas pu réellement profiter du chemin parcouru mais je suis très excité et très heureux de pouvoir me projeter sur ce grand jour. Cela fait un mois et demi que je m’entraîne en Camargue, je reste ici et je me focalise sur cette date-là .
- Quels sont tes meilleurs souvenirs en novillada ?
Bilbao, l’an passé, parce qu’il y a eu un avant et un après cette course. Je regrette que cette novillada n’ait pas été télévisée car j’aurais pu avoir plus de visibilité à l’issue de cette course. J’ai le souvenir d’un premier toro très encasté mais aussi plein de sensations très fortes dans ma tête et dans mon cœur. J’aurais bien aimé revoir et analyser ce que j’ai fait lors de cet après-midi. J’ai réussi à dominer et ralentir la charge de ce toro, son agressivité d’embestida, alors que le deuxième est sorti beaucoup plus « chuchón », beaucoup plus noble, un toro maniable, qui m’a permis de toréer pour moi. J’ai totalement oublié ce qui se passait autour de moi, en toréant très doucement de la main gauche. Cela m’a permis de couper une oreille alors que j’avais pinché
mon premier adversaire. Ma grande sensation a été de voir ces arènes se rendre à moi de la sorte. Dans mon souvenir, c’est la première fois que ça m’arrivait, me semble-t-il. Voir ces gens se lever m’a procuré une sensation très agréable : les émotions que je ressentais étaient perçues aux yeux de tout le monde. C’était très jouissif.
Il y a également eu Nîmes cette année. Une course pour laquelle j’ai senti une relation très forte avec le toro, mais même avant ! Cela arrive parfois, deux ou trois jours avant, tu sens qu’il va se passer quelque chose. Pour l’élevage, pour Patrick Laugier, qui est un très grand ami, qui allait lidier sa seule et très certainement dernière novillada à Nîmes… J’ai senti un alignement des planètes et il est vrai que ce premier toro m’a permis de m’exprimer. Il fallait à la fois le soigner, être technique, doux avec lui, alors que le deuxième m’a permis d’être totalement sur l’inspiration.
- Quelles sont les arènes espagnoles de 1e
catégorie où tu as toréé qui t’ont le plus marqué ?
Elles te marquent toutes d’une manière différente. Séville est une arène qui m’a peut-être mis plus de poids sur les épaules, tout en profitant et m’émerveillant de la beauté de cette plaza. Je me souviens que lorsque j’étais au patio de caballos, je touchais les murs comme si j’étais dans un musée ! Même s’il est certainement interdit de toucher les murs dans un musée ! (rires) J’étais abasourdi par la beauté de l’arène et du spectacle, ce qui allait très bien avec mon concept de tauromachie : pouvoir s’exprimer, comme Séville l’aime, même si je n’ai pas eu la chance d’avoir les toros pour le faire. Qui plus est, lors de ma première année de novillero, je n’avais pas le niveau pour m’exprimer au sein de l’équilibre que nous avons précédemment évoqué. Pour Madrid, tu sens la veille au soir de la course que tu arrives dans la capitale… Ça impose beaucoup plus que n’importe quelle autre arène. Madrid, c’est beaucoup plus froid. Lors de ma présentation à Las Ventas, je sortais d’un triomphe à la Cape d’or, lors d’une matinée très ensoleillée, magnifique et radieuse, et j’arrive là , avec le vent, la pluie, tout était gris, le sable était blanc. Lorsque je suis arrivé au patio de caballos,
j’ai même senti l’odeur du sang du sable. J’ai trouvé ça très étrange ! Sans parler du pasodoble interprété qui est souvent tout le temps le même ! Le fait qu’il n’y ait pas de musique, ce sable blanc qui pète aux yeux… Ce sont des perceptions différentes d’une arène à l’autre. Finalement, Nîmes est l’arène qui me met le plus de responsabilités, car c’est chez moi, ce sont les Nîmois et c’est la plaza qui m’a fait rêver. Je me suis tellement imaginé dedans que c’est forcément une pression en plus.
- Y a-t-il eu un élément déclencheur à ta carrière de torero ?
Je crois réellement que l’on naît torero. C’est dans les gênes : entre mon père qui adorait ça, c’était sa passion, enfouie en lui, il aurait adoré être torero, un artiste, c’est le grand regret de sa vie… Finalement, il a été torero d’une manière différente, dans l’âme. Quant à ma mère, c’est une grande torera, j’ai pris ça dans les gênes. J’ai toujours toréé depuis que je suis gosse… Il y a peut-être un souvenir plus marquant : Morante avec la chaise. Je me souviens, j’étais avec mon grand-père aux arènes… Il y a aussi eu la faena où Manzanares, vêtu d’un costume violet, coupe une queue. C’était très fort, il avait été exceptionnel ce jour-là , c’était la meilleure période de Manzanares. Il est impossible d’oublier le solo de José Tomás, corrida où j’ai récupéré trois oreilles et un macho du costume ! (rires) Bien avant de revêtir le costume de lumières, j’avais ainsi ravi plus d’oreilles que tous les novilleros actuels ! (rires) C’est quelque chose que j’ai fait plusieurs fois : je voulais absolument avoir l’oreille, quitte à la réclamer en passant par tous les vomitoires jusqu’à l’obtenir ! Ensuite, je passais derrière, et sous l’ovation réelle du public je m’imaginais effectuer le tour de piste, avec l’oreille en main ! J’avais besoin de sentir cette gloire et ces cris de « Torero ! Torero ! » qui me faisaient vibrer. Je prenais cette oreille pour me sentir torero. Un matin, El Cid m’avait fait venir en piste pour me donner une oreille ! Je m’en souviens encore, il y a la photo chez ma grand-mère, l’oreille faisait quasiment la taille de ma main ! Toutes ces anecdotes sont liées à Nîmes, qui est ma ville taurine par excellence.
- Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Morante est à mes yeux le plus grand génie de tous les temps, toutes époques confondues. Je me souviens encore de la tarde où il coupe le rabo à Séville ! Ce torero me rend heureux, j’adore tout ce qu’il fait. Mais je m’inspire tout autant du pouvoir du Juli que du temple
de Perera ! Sans oublier la « race » de Sébastien face au toro.
J’ai mes préférences, mes styles de prédilection, mais je m’inspire finalement de tout le monde. J’adore Roca Rey dans sa connexion avec le public et l’aura naturelle qu’il dégage.
- Tu as souvent pensé à ton cartel d’alternative ?
Avant que ne soit dĂ©finie la date prĂ©cise de mon alternative, Simon m’avait dit « SĂ©bastien sera ton parrain ». Pendant longtemps, j’avais souvent dit Ă ma famille que mon rĂŞve aurait Ă©tĂ© de prendre l’alternative des mains de Morante, parce qu’il est très liĂ© Ă cette Ă©poque de corridas pendant laquelle j’ai grandi. Je voulais Morante et Castella comme tĂ©moin ! Je trouvais ce cartel très significatif, avec SĂ©bastien comme star numĂ©ro 1 et Morante, l’artiste… Et moi au milieu avec un concept qui se veut un peu entre les deux. Je ne sais pas pourquoi mais SĂ©bastien en a eu Ă©cho ! Il m’a dit : « je sais que je ne suis pas ton torero, mais tu m’auras comme parrain ! ». Je lui ai rĂ©torquĂ© : « tu rigoles mais ça a beaucoup plus de sens ; toi comme JosĂ© MarĂa vous ĂŞtes les deux maestros qui m’avez accueilli chez vous ». Je l’admire, je l’aime beaucoup et je le respecte Ă©normĂ©ment, jusqu’à le vouvoyer, car c’est mon maestro. Quant Ă Manzanares, lui aussi m’a accueilli chez lui, pendant deux semaines, en 2019. Nous nous sommes entraĂ®nĂ©s chez lui, puis je l’ai accompagnĂ© chez El Pilar ou encore chez Matilla… Il s’était mĂŞme blessĂ© au dos lors de l’une de ces sĂ©ances d’entraĂ®nement.
Jonathan Veyrunes a dessinĂ© mon costume d’alternative. C’est un projet que nous avons Ă©laborĂ© pendant l’hiver Ă Gerena. Il m’a parlĂ© des croix qu’il faisait et des projets qu’il avait autour des Ă©toiles… Comme tous mes costumes, j’ai voulu que celui-ci soit diffĂ©rent. Ma demande l’a rĂ©joui. Il a fini par trouver une Ă©toile particulière après avoir consultĂ© un ouvrage recensant notamment bon nombre d’étoiles d’inspiration maure. C’est une Ĺ“uvre avant toute chose et je suis content que le costume plaise Ă l’artiste qu’est Jonathan. C’est un costume magnifique, entièrement dessinĂ© par John, qui a remis tous ses plans Ă la sastrerĂa FermĂn. Il y a notamment une Croix de Camargue secrète sur la chaquetilla… Ça a d’autant plus de sens que John fĂŞtera bientĂ´t ses vingt ans d’alternative, il est nĂ®mois, on est amis, c’est très beau. Tout fait sens…
- As-tu déjà eu une expérience avec l’élevage de Jandilla ?
Je n’ai jamais torĂ©Ă© de Jandilla Ă ce jour, mĂŞme si j’ai tientĂ© lĂ -bas Ă deux reprises. Je me souviens de vaches de caste, propres aux Ă©levages d’élite. C’est une ganaderĂa qui est dans un grand moment ; on l’a vu Ă Bilbao l’autre jour… Jandilla a Ă©galement sorti un toro extraordinaire en dĂ©but de saison Ă Valencia. Borja Domecq fait partie de ces grands ganaderos, passionnĂ©s par leur mĂ©tier, qui parlent magnifiquement de ses toros et de leurs façons de charger pendant des heures… Habituellement, je dĂ©teste voir mes toros
avant une course, mais j’avoue avoir été enchanté de découvrir la vidéo des toros
de mon alternative sur les réseaux de SCP France. L’un des toros est une peinture, avec du cuajo, il a une tête de cinqueño ! Ça va être le plus beau jour de ma vie. Il faut que je me libère et que je le savoure pleinement.
- Ton père connaissait tes rêves de lumières taurins ?
Oui, tout Ă fait. Son idole Ă©tait JosĂ© MarĂa Manzanares père. Le fait que son fils soit mon tĂ©moin d’alternative confère une signification supplĂ©mentaire Ă cette corrida. Il savait quelle Ă©tait la passion qui brĂ»lait en moi et qu’il fallait me pousser au bout de mes capacitĂ©s et au bout de mes rĂŞves. Il est parti trop tĂ´t, Ă une Ă©poque oĂą je ne parvenais pas Ă dominer ma peur. Je crois qu’il aurait Ă©tĂ© très heureux de me voir torĂ©er pour l’alternative. C’est le cours du destin, quelque chose de très normal et de très logique. Il faut que je profite pleinement de ce jour de bonheur, en me remĂ©morant ce que j’ai vĂ©cu par le passĂ© : j’ai suivi mes parents Ă Paris oĂą j’étais le plus triste du monde, Ă Los Angeles oĂą je torĂ©ais mes petits chiens dans la rue, ou encore au Mexique, au Yucatán, oĂą j’allais voir mes copains Lagravère, car j’avais besoin de sentir un peu plus les toros… De retour en France, notre ami Lauri MonzĂłn a Ă©tĂ© prĂ©sent tous les jours pendant la maladie de mon père, il m’a entraĂ®nĂ© 2-3 heures quotidiennement, et surtout il nous a changĂ© les idĂ©es. Lauri a un peu Ă©tĂ© comme mon deuxième père. Il a une place très importante dans mon cĹ“ur et dans ma vie. J’ai surmontĂ© le deuil en m’entraĂ®nant encore plus et j’ai achevĂ© ma scolaritĂ© au baccalaurĂ©at. Tous ces Ă©vĂ©nements ont construit le torero que je suis aujourd’hui dans l’arène. Un torero, plus il vit, de tristesse ou de joie, plus il a des choses Ă dire avec son cĹ“ur, afin de les partager avec le public.
Vendredi 13 septembre 2024, la date de la vie du nouveau matador de toros Lalo de MarĂa (crĂ©dit photo : Christophe Chay).
C’est un jour que j’ai attendu depuis tant d’années et qui arrive finalement si vite ! Je n’ai pas pu réellement profiter du chemin parcouru mais je suis très excité et très heureux de pouvoir me projeter sur ce grand jour. Cela fait un mois et demi que je m’entraîne en Camargue, je reste ici et je me focalise sur cette date-là .
- Quels sont tes meilleurs souvenirs en novillada ?
Bilbao, l’an passé, parce qu’il y a eu un avant et un après cette course. Je regrette que cette novillada n’ait pas été télévisée car j’aurais pu avoir plus de visibilité à l’issue de cette course. J’ai le souvenir d’un premier toro très encasté mais aussi plein de sensations très fortes dans ma tête et dans mon cœur. J’aurais bien aimé revoir et analyser ce que j’ai fait lors de cet après-midi. J’ai réussi à dominer et ralentir la charge de ce toro, son agressivité d’embestida, alors que le deuxième est sorti beaucoup plus « chuchón », beaucoup plus noble, un toro maniable, qui m’a permis de toréer pour moi. J’ai totalement oublié ce qui se passait autour de moi, en toréant très doucement de la main gauche. Cela m’a permis de couper une oreille alors que j’avais pinché
mon premier adversaire. Ma grande sensation a été de voir ces arènes se rendre à moi de la sorte. Dans mon souvenir, c’est la première fois que ça m’arrivait, me semble-t-il. Voir ces gens se lever m’a procuré une sensation très agréable : les émotions que je ressentais étaient perçues aux yeux de tout le monde. C’était très jouissif.
Il y a également eu Nîmes cette année. Une course pour laquelle j’ai senti une relation très forte avec le toro, mais même avant ! Cela arrive parfois, deux ou trois jours avant, tu sens qu’il va se passer quelque chose. Pour l’élevage, pour Patrick Laugier, qui est un très grand ami, qui allait lidier sa seule et très certainement dernière novillada à Nîmes… J’ai senti un alignement des planètes et il est vrai que ce premier toro m’a permis de m’exprimer. Il fallait à la fois le soigner, être technique, doux avec lui, alors que le deuxième m’a permis d’être totalement sur l’inspiration.
- Quelles sont les arènes espagnoles de 1e
catégorie où tu as toréé qui t’ont le plus marqué ?
Elles te marquent toutes d’une manière différente. Séville est une arène qui m’a peut-être mis plus de poids sur les épaules, tout en profitant et m’émerveillant de la beauté de cette plaza. Je me souviens que lorsque j’étais au patio de caballos, je touchais les murs comme si j’étais dans un musée ! Même s’il est certainement interdit de toucher les murs dans un musée ! (rires) J’étais abasourdi par la beauté de l’arène et du spectacle, ce qui allait très bien avec mon concept de tauromachie : pouvoir s’exprimer, comme Séville l’aime, même si je n’ai pas eu la chance d’avoir les toros pour le faire. Qui plus est, lors de ma première année de novillero, je n’avais pas le niveau pour m’exprimer au sein de l’équilibre que nous avons précédemment évoqué. Pour Madrid, tu sens la veille au soir de la course que tu arrives dans la capitale… Ça impose beaucoup plus que n’importe quelle autre arène. Madrid, c’est beaucoup plus froid. Lors de ma présentation à Las Ventas, je sortais d’un triomphe à la Cape d’or, lors d’une matinée très ensoleillée, magnifique et radieuse, et j’arrive là , avec le vent, la pluie, tout était gris, le sable était blanc. Lorsque je suis arrivé au patio de caballos,
j’ai même senti l’odeur du sang du sable. J’ai trouvé ça très étrange ! Sans parler du pasodoble interprété qui est souvent tout le temps le même ! Le fait qu’il n’y ait pas de musique, ce sable blanc qui pète aux yeux… Ce sont des perceptions différentes d’une arène à l’autre. Finalement, Nîmes est l’arène qui me met le plus de responsabilités, car c’est chez moi, ce sont les Nîmois et c’est la plaza qui m’a fait rêver. Je me suis tellement imaginé dedans que c’est forcément une pression en plus.
- Y a-t-il eu un élément déclencheur à ta carrière de torero ?
Je crois réellement que l’on naît torero. C’est dans les gênes : entre mon père qui adorait ça, c’était sa passion, enfouie en lui, il aurait adoré être torero, un artiste, c’est le grand regret de sa vie… Finalement, il a été torero d’une manière différente, dans l’âme. Quant à ma mère, c’est une grande torera, j’ai pris ça dans les gênes. J’ai toujours toréé depuis que je suis gosse… Il y a peut-être un souvenir plus marquant : Morante avec la chaise. Je me souviens, j’étais avec mon grand-père aux arènes… Il y a aussi eu la faena où Manzanares, vêtu d’un costume violet, coupe une queue. C’était très fort, il avait été exceptionnel ce jour-là , c’était la meilleure période de Manzanares. Il est impossible d’oublier le solo de José Tomás, corrida où j’ai récupéré trois oreilles et un macho du costume ! (rires) Bien avant de revêtir le costume de lumières, j’avais ainsi ravi plus d’oreilles que tous les novilleros actuels ! (rires) C’est quelque chose que j’ai fait plusieurs fois : je voulais absolument avoir l’oreille, quitte à la réclamer en passant par tous les vomitoires jusqu’à l’obtenir ! Ensuite, je passais derrière, et sous l’ovation réelle du public je m’imaginais effectuer le tour de piste, avec l’oreille en main ! J’avais besoin de sentir cette gloire et ces cris de « Torero ! Torero ! » qui me faisaient vibrer. Je prenais cette oreille pour me sentir torero. Un matin, El Cid m’avait fait venir en piste pour me donner une oreille ! Je m’en souviens encore, il y a la photo chez ma grand-mère, l’oreille faisait quasiment la taille de ma main ! Toutes ces anecdotes sont liées à Nîmes, qui est ma ville taurine par excellence.
- Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Morante est à mes yeux le plus grand génie de tous les temps, toutes époques confondues. Je me souviens encore de la tarde où il coupe le rabo à Séville ! Ce torero me rend heureux, j’adore tout ce qu’il fait. Mais je m’inspire tout autant du pouvoir du Juli que du temple
de Perera ! Sans oublier la « race » de Sébastien face au toro.
J’ai mes préférences, mes styles de prédilection, mais je m’inspire finalement de tout le monde. J’adore Roca Rey dans sa connexion avec le public et l’aura naturelle qu’il dégage.
- Tu as souvent pensé à ton cartel d’alternative ?
Avant que ne soit dĂ©finie la date prĂ©cise de mon alternative, Simon m’avait dit « SĂ©bastien sera ton parrain ». Pendant longtemps, j’avais souvent dit Ă ma famille que mon rĂŞve aurait Ă©tĂ© de prendre l’alternative des mains de Morante, parce qu’il est très liĂ© Ă cette Ă©poque de corridas pendant laquelle j’ai grandi. Je voulais Morante et Castella comme tĂ©moin ! Je trouvais ce cartel très significatif, avec SĂ©bastien comme star numĂ©ro 1 et Morante, l’artiste… Et moi au milieu avec un concept qui se veut un peu entre les deux. Je ne sais pas pourquoi mais SĂ©bastien en a eu Ă©cho ! Il m’a dit : « je sais que je ne suis pas ton torero, mais tu m’auras comme parrain ! ». Je lui ai rĂ©torquĂ© : « tu rigoles mais ça a beaucoup plus de sens ; toi comme JosĂ© MarĂa vous ĂŞtes les deux maestros qui m’avez accueilli chez vous ». Je l’admire, je l’aime beaucoup et je le respecte Ă©normĂ©ment, jusqu’à le vouvoyer, car c’est mon maestro. Quant Ă Manzanares, lui aussi m’a accueilli chez lui, pendant deux semaines, en 2019. Nous nous sommes entraĂ®nĂ©s chez lui, puis je l’ai accompagnĂ© chez El Pilar ou encore chez Matilla… Il s’était mĂŞme blessĂ© au dos lors de l’une de ces sĂ©ances d’entraĂ®nement.
Jonathan Veyrunes a dessinĂ© mon costume d’alternative. C’est un projet que nous avons Ă©laborĂ© pendant l’hiver Ă Gerena. Il m’a parlĂ© des croix qu’il faisait et des projets qu’il avait autour des Ă©toiles… Comme tous mes costumes, j’ai voulu que celui-ci soit diffĂ©rent. Ma demande l’a rĂ©joui. Il a fini par trouver une Ă©toile particulière après avoir consultĂ© un ouvrage recensant notamment bon nombre d’étoiles d’inspiration maure. C’est une Ĺ“uvre avant toute chose et je suis content que le costume plaise Ă l’artiste qu’est Jonathan. C’est un costume magnifique, entièrement dessinĂ© par John, qui a remis tous ses plans Ă la sastrerĂa FermĂn. Il y a notamment une Croix de Camargue secrète sur la chaquetilla… Ça a d’autant plus de sens que John fĂŞtera bientĂ´t ses vingt ans d’alternative, il est nĂ®mois, on est amis, c’est très beau. Tout fait sens…
- As-tu déjà eu une expérience avec l’élevage de Jandilla ?
Je n’ai jamais torĂ©Ă© de Jandilla Ă ce jour, mĂŞme si j’ai tientĂ© lĂ -bas Ă deux reprises. Je me souviens de vaches de caste, propres aux Ă©levages d’élite. C’est une ganaderĂa qui est dans un grand moment ; on l’a vu Ă Bilbao l’autre jour… Jandilla a Ă©galement sorti un toro extraordinaire en dĂ©but de saison Ă Valencia. Borja Domecq fait partie de ces grands ganaderos, passionnĂ©s par leur mĂ©tier, qui parlent magnifiquement de ses toros et de leurs façons de charger pendant des heures… Habituellement, je dĂ©teste voir mes toros
avant une course, mais j’avoue avoir été enchanté de découvrir la vidéo des toros
de mon alternative sur les réseaux de SCP France. L’un des toros est une peinture, avec du cuajo, il a une tête de cinqueño ! Ça va être le plus beau jour de ma vie. Il faut que je me libère et que je le savoure pleinement.
- Ton père connaissait tes rêves de lumières taurins ?
Oui, tout Ă fait. Son idole Ă©tait JosĂ© MarĂa Manzanares père. Le fait que son fils soit mon tĂ©moin d’alternative confère une signification supplĂ©mentaire Ă cette corrida. Il savait quelle Ă©tait la passion qui brĂ»lait en moi et qu’il fallait me pousser au bout de mes capacitĂ©s et au bout de mes rĂŞves. Il est parti trop tĂ´t, Ă une Ă©poque oĂą je ne parvenais pas Ă dominer ma peur. Je crois qu’il aurait Ă©tĂ© très heureux de me voir torĂ©er pour l’alternative. C’est le cours du destin, quelque chose de très normal et de très logique. Il faut que je profite pleinement de ce jour de bonheur, en me remĂ©morant ce que j’ai vĂ©cu par le passĂ© : j’ai suivi mes parents Ă Paris oĂą j’étais le plus triste du monde, Ă Los Angeles oĂą je torĂ©ais mes petits chiens dans la rue, ou encore au Mexique, au Yucatán, oĂą j’allais voir mes copains Lagravère, car j’avais besoin de sentir un peu plus les toros… De retour en France, notre ami Lauri MonzĂłn a Ă©tĂ© prĂ©sent tous les jours pendant la maladie de mon père, il m’a entraĂ®nĂ© 2-3 heures quotidiennement, et surtout il nous a changĂ© les idĂ©es. Lauri a un peu Ă©tĂ© comme mon deuxième père. Il a une place très importante dans mon cĹ“ur et dans ma vie. J’ai surmontĂ© le deuil en m’entraĂ®nant encore plus et j’ai achevĂ© ma scolaritĂ© au baccalaurĂ©at. Tous ces Ă©vĂ©nements ont construit le torero que je suis aujourd’hui dans l’arène. Un torero, plus il vit, de tristesse ou de joie, plus il a des choses Ă dire avec son cĹ“ur, afin de les partager avec le public.
Vendredi 13 septembre 2024, la date de la vie du nouveau matador de toros Lalo de MarĂa (crĂ©dit photo : Christophe Chay).